Géants de l’industrie européenne unis pour protéger la souveraineté des données cloud : les dessous d’une décision controversée

Tada ! Les géants de l’industrie européenne montrent les crocs pour défendre la souveraineté des données cloud en Europe. Dix-huit mastodontes, dont Airbus, Orange et Deutsche Telekom, viennent de taper du poing sur la table suite à une décision de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) qui ne fait plus la distinction entre les fournisseurs cloud basés dans l’UE et hors de l’UE. Un sacré pavé dans la mare !

L’ENISA fait machine arrière sur la certification des fournisseurs cloud

Tout avait pourtant bien commencé. En novembre dernier, l’Union européenne réfléchissait à mettre en place un nouveau schéma européen de certification de cybersécurité (EUCS) pour promouvoir les services cloud européens. L’idée était simple : rendre plus compliqué pour les prestataires basés hors de l’UE d’obtenir le plus haut niveau de certification, les obligeant à s’associer avec un acteur européen pour stocker et traiter les données sensibles. Un pas de géant vers un cloud souverain en somme.

Sauf que six mois plus tard, patatras ! L’ENISA a fait volte-face, laissant les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et consorts libres comme l’air de faire leurs affaires avec les clients européens sans trop de contraintes. De quoi faire bondir les champions européens du cloud !

« L’introduction de ces contrôles est nécessaire pour atténuer le risque d’accès illégal aux données sur la base de lois étrangères »

Voilà ce qu’ont écrit noir sur blanc les dix-huit frondeurs dans une lettre aux autorités européennes, pointant du doigt le Cloud Act américain et la loi chinoise sur le renseignement. Pour eux, un label cloud européen digne de ce nom doit suivre l’exemple de Gaia-X, le projet phare de l’Europe pour tendre vers un cloud souverain (même s’il a connu quelques déboires). Sinon, gare aux nouveaux fournisseurs européens qui risquent de se faire laminer par les géants d’outre-Atlantique !

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L’enjeu crucial de la souveraineté numérique européenne

Cette levée de boucliers des industriels montre bien que la souveraineté numérique est devenue un sujet brûlant en Europe. Et pour cause : avec la montée en puissance du cloud, des quantités astronomiques de données sensibles sont stockées dans des serveurs aux quatre coins du monde, souvent chez des prestataires américains ou chinois. Un vrai casse-tête pour garder le contrôle sur ce précieux trésor !

C’est là qu’intervient le concept de « cloud souverain », c’est-à-dire un cloud opéré et hébergé sur le territoire européen, dans le respect des normes et du cadre juridique de l’UE. L’objectif ? Éviter que nos données ne tombent entre de mauvaises mains et soient soumises à des lois étrangères peu regardantes sur la vie privée (coucou le Cloud Act).

Mais attention, construire un cloud souverain à l’échelle européenne, c’est plus facile à dire qu’à faire. Malgré les milliards d’euros mis sur la table et les initiatives comme Gaia-X, le chemin est encore long pour rattraper le retard sur les géants du cloud. D’où l’importance de mettre des bâtons dans les roues des acteurs extra-européens, comme le réclament Airbus, Orange et consorts.

Un écosystème européen pour faire émerger les champions de demain

Au-delà des aspects purement techniques et juridiques, la souveraineté numérique européenne passe aussi par la création d’un écosystème dynamique pour faire émerger les pépites technologiques de demain. C’est tout l’enjeu du plan « France 2030 » lancé par Emmanuel Macron et de l’initiative « Scale Up Europe » au niveau continental.

L’idée ? Mettre le paquet sur les startups et les « scaleups » du numérique, en leur donnant les moyens de grandir et de rivaliser avec les mastodontes d’outre-Atlantique. Au menu : des financements massifs, un accès facilité aux talents internationaux et un cadre réglementaire adapté. De quoi créer un terreau fertile pour les champions européens du cloud !

Parmi les mesures phares, on peut citer :

Trouver le bon équilibre entre régulation et innovation

Évidemment, tout l’enjeu pour l’Europe est de trouver le bon équilibre entre la nécessaire régulation du marché du cloud pour préserver sa souveraineté et le besoin de créer un environnement propice à l’innovation. Pas simple quand on sait la force de frappe des GAFAM et leur capacité à imposer leurs standards !

C’est là que des initiatives comme Gaia-X peuvent jouer un rôle clé, en créant des standards et des labels européens pour le cloud, tout en associant un maximum d’acteurs publics et privés. L’idée est de définir un cadre de confiance pour le partage et le traitement des données, sans pour autant exclure les géants américains ou chinois (sinon, on risque de se tirer une balle dans le pied).

Un exemple concret ? Le projet de « cloud de confiance » lancé par la France, qui vise à labelliser des offres cloud sécurisées et opérées en Europe, y compris celles des acteurs étrangers s’ils respectent un cahier des charges strict (chiffrement, localisation des données, gouvernance européenne, etc.). Un bon moyen de concilier souveraineté et compétitivité.

Comme le montre ce tableau basé sur les données de l’Institut Bruegel, les principaux pays européens allouent en moyenne 20% de leur plan de relance post-Covid au numérique, avec des montants allant de 2,9 milliards d’euros pour le Portugal à plus de 40 milliards pour l’Italie. Un effort budgétaire conséquent qui reflète l’importance stratégique du numérique et du cloud pour la souveraineté européenne.

La carte maîtresse de l’Europe : les données industrielles

Enfin, n’oublions pas que l’Europe a une carte maîtresse dans sa manche : sa puissance industrielle historique et les montagnes de données qui vont avec. Qu’il s’agisse de l’aéronautique avec Airbus, de l’automobile avec Volkswagen ou Stellantis, ou encore de l’énergie avec EDF ou Siemens, les fleurons européens génèrent et exploitent des quantités astronomiques de données sensibles.

La création d’espaces de données est en cours dans de nombreux domaines : Smart Farming, Santé, Energie, Finance, Energie, Mobilité, Smart City…

Des données qui, si elles sont partagées et valorisées dans des clouds souverains, pourraient faire la différence et permettre à l’Europe de rattraper son retard dans l’IA et le big data. C’est tout l’enjeu des « espaces de données » sectoriels prévus par la stratégie européenne pour les données, qui vise à créer des écosystèmes de partage et d’exploitation des données dans des domaines clés comme la santé, l’industrie manufacturière, l’agriculture ou la mobilité.

Alors oui, le chemin est encore long pour construire une véritable souveraineté numérique européenne. Mais avec une volonté politique affirmée, des moyens financiers au rendez-vous et un tissu industriel puissant, l’Europe a de sérieux atouts dans sa manche. À elle de jouer maintenant !

De notre côté, on se demande bien ce que va donner la nouvelle mouture du schéma de certification cloud européen, après le tollé provoqué par le rétropédalage de l’ENISA. Une chose est sûre : Airbus, Orange, Deutsche Telekom et les autres géants ne sont pas près de lâcher l’affaire. Affaire à suivre donc !